Yang Wan Li, « Vivant retiré »
Antoine Watteau, Lao Gine ou le vieillard chinois, Musée du Louvre
« L’arbre Yuo mu, sur une île de l’Océan de l’ouest, est l’arbre au-delà duquel le soleil se couche
convalescent, j’ai du mal à marcher
longtemps assis, mon sentiment ne s’apaise pas
têtu devant ma femme,
j’ai honte d’avoir à lui demander du soutien pour me lever
je préfère faire appel à ma canne en bambou taché
à chaque pas elle m’accompagne
je n’ai pas l’intention d’aller bien loin,
je vais juste faire un tour dans la cour
quand le terrain est plat, personne ne s’en rend compte
mais si ça monte ou si ça descend aussitôt on ralentit
ma vie durant l’ambition m’a mené dans les quatre directions
les huit extrémités je les regardais comme rien
à l’ouest je me suis envolé, cassant une branche de l’arbre Yuo mu*
à l’est j’ai traversé l’océan en chevauchant une baleine
aujourd’hui me voilà allongé sur un lit en chénopode
dès que je me lève neuf fois je halète
ma force est épuisée mais mon ambition est intacte
au-dessus du lit je saisis mon épée précieuse
en plus d’être malade, j’ai mal aux pieds et suis las de rester assis toute la journée, j’écris pour tromper l’ennui
ma vue est brouillée, la neige couvre mon crâne
dans le flou sont passées les trois ou quatre dernières années
qui sait que c’est le mal aux pieds qui m’empêche de marcher ?
à me voir rester sagement à la maison, on pense que je suis assis en méditation
si mon éventail tombe de la table, je suis trop paresseux pour le ramasser
aller consulter un livre près de la fenêtre, comment me déplacer ?
les gens de ce monde tous envient les immortels parce qu’ils volent
moi, j’envie ceux qui marchent, c’est ça pour moi être immortel »
Yang Wan li – 1127-1206
Le son de la pluie
Poèmes choisi et traduits du chinois par
Cheng Wing fun & Hervé Collet
Moundarren, 1988, 2008, 2017
http://www.moundarren.com/poeteschinois/yangwanli